L’HISTOIRE DE KUNSTHAUS TACHELES – LE BERCEAU DE L’ESPRIT ARTISTIQUE BERLINOIS

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Tacheles Sign. Image via Wikipedia

Dans son interview de 2010 avec Martin Reiter, l’historien Rory MacLean décrit la Tacheles Art House de cette manière: Tacheles est aussi bien : ruine de la guerre, colonie d’artistes et pays des merveilles à la fois anarchique et entièrement berlinois… Mais son avenir est menacé . Aujourd’hui, nous vivons à une époque où ce genre de menaces se réalisent. Le Kunsthaus Tacheles a partagé le destin de nombreux lieux historiques et culturels devenus victimes de la gentrification et du capitalisme. La fermeture du Kunsthaus Tacheles en 2012 est souvent décrite comme la fin d’une époque, l’extinction d’une tradition de deux décennies de libre expression artistique. Ce lieu avait pourtant saisi au mieux ce sentiment de liberté retrouvée qu’a vécu Berlin après la chute du Mur.

Situé dans un bâtiment imposant du quartier de Mitte, le Kunsthaus Tacheles incarne l’euphorie de la réunification du pays et le boom artistique qui a suivi la chute du Mur. Etant le centre artistique indépendant le plus célèbre de Berlin et l’une des initiatives artistiques les plus remarquables, il devint naturellement le lieu d’intérêt pour les artistes venant de tous les horizons. Bien que le bâtiment ait fermé depuis quelques années, l’héritage du Kunsthaus Tacheles et de ses artistes ne doit pas être oublié.

Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement l’histoire de la Tacheles Art House, le squat d’art emblématique de Berlin qui a fortement influencé la perception de la ville comme l’un des principaux lieux artistique et alternatif.

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Tacheles sculpture garden. Image via kunsthaus-tacheles.de

UNE HISTOIRE RICHE ET COLOREE: D’UN COMPLEXE COMMERCIAL A LA NAISSANCE D’UN CENTRE ARTISTIQUE INDEPENDANT

L’édifice de cinq étages de la Oranienburger Strasse, plus tard connu sous le nom de Kunsthaus Tacheles, a une histoire riche et colorée qui s’étend sur plus d’un siècle. Construit entre 1907 et 1908, ce bâtiment à l’angle de la Friedrichstraße abritait un complexe commercial, l’un des premiers et des plus grands de ce type à Berlin. En 1928, le bâtiment tomba entre les mains de l’AEG (société allemande d’électricité), servant de salle d’exposition pour leurs produits et les nouveaux développements technologiques. Puis appelé “The House of Technology”, le bâtiment abritait l’une des premières émissions de télévision allemandes. Dès le début des années 1930 l’édifice fut de plus en plus utilisé par les membres du parti nazi jusqu’à devenir plus tard le bureau central des SS. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a subi de graves dommages dus aux bombardements et la majeure partie de l’infrastructure détruite du bâtiment ne sera alors jamais entièrement restaurée.

Dans les années qui ont suivi la guerre, plusieurs projets de destruction du bâtiment ont vu le jour. Par chance, deux mois avant la démolition finale prévue en 1990, un événement allait changer pour toujours l’histoire du bâtiment. Trois mois après la chute du Mur de Berlin, un groupe d’individus baptisés Künstlerinitiative Tacheles (Initiative des artistes de Tacheles) s’est introduit dans le bâtiment endommagé et l’ont transformé en une institution vivante et florissante de la scène culturelle alternative.

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Staircase at Kunsthaus Tacheles. Image via Wikipedia

L’HISTOIRE DU KUNSTHAUS TACHELES – UN CELEBRE SQUAT ARTISTIQUE BERLINOIS

En adoptant le mot yiddish Tacheles – mot qui signifie “honnête” ou “parler franchement” – ce groupe d’individus voulait ouvertement contester la liberté artistique limitée inhérente au contexte de l’ex-Allemagne de l’Est. Des gens venus des deux côtés de la ville autrefois divisée ont donc occupé le bâtiment en ruine, prouvant qu’il était structurellement solide. Par la suite, grâce à d’innombrables négociations avec la direction du bâtiment, ils ont réussi à le sauver de la destruction et à le faire reconnaître comme lieu historique. Le Kunsthaus Tacheles, composé de nombreux activistes venus de tous les horizons, est vite devenu synonyme de production expérimentale et désinhibé. Guidé par cette liberté nouvellement retrouvée à Berlin, le groupe a véritablement su ériger le Tacheles en une institution de la scène culturelle alternative. Jonatan Jones, du Guardian’s, compare même l’atmosphère du Tacheles aux lieux d’avant-garde légendaires comme le Cabaret Voltaire, et décrit parfaitement l’esprit expérimental, rebelle et chaotique qui y réside. Jones en vient même à définir ce squat comme étant une vaste vision de la descente anarchiste des Dada.

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Exteriour mural with the bus sculpture. Image via bz-berlin.de

DE L’ART DANS CHAQUE RECOIN

L’art a fleuri dans chaque recoin de l’édifice : des fresques monumentales sur les murs extérieurs aux impressionnants jardins de sculptures en acier dans la cour, en passant par les escaliers et les couloirs remplis de graffitis, d’affiches et d’autocollants… N’oublions pas non plus les spectacles et les expositions à couper le souffle, toujours à la pointe de la technologie. La maison Tacheles a accueilli des artistes de différentes origines et nationalités, quels que soient leurs supports et styles de travail. Au cours des premières années, le centre artistique était dirigé par le conservateur et entrepreneur culturel Jochen Sandig. A l’époque, le centre accueillait des événements avant-gardistes et des artistes tels que Mark Divo, les musiciens Spiral Tribe, le groupe de théâtre DNTT, le performeur Lennie Lee, la danseuse et chorégraphe Sasha Waltz, le RA.M.M. Theater et des sculpteurs de la Mutoid Waste Company.

Durant son âge d’or, le Kunsthaus Tacheles abritait jusqu’à soixante artistes venus du monde entier et trente différents ateliers. En dehors de ces logements et de ces espaces de travail pour les artistes résidents, le bâtiment est également devenu un véritable centre artistique avec son propre cinéma, café, salle de spectacle et d’exposition et ses nombreux ateliers indépendants. L’une des caractéristiques les plus remarquables de ce lieu est certainement son jardin de sculptures en plein air, unique en son genre, composé de nombreuses structures métalliques faites de détritus urbains, de véhicules et d’objets trouvés.

Documentaire sur les derniers jours du Kunsthaus Tacheles

LA FERMETURE DU CENTRE ARTISTIQUE TACHELES

Pendant 22 ans, Tacheles a accueilli une formidable variété de gens : des créateurs radicaux qui ne voulait faire aucun compromis, des artistes indépendants, des étrangers à la scène artistique institutionnalisée ou de simples citoyens qui défendaient leurs idéaux. Pour de nombreux locaux, le Kunsthaus Tacheles symbolisait l’esprit de l’après-mur berlinois. D’abord destiné à être un grand magasin, il devient finalement le quartier général nazi puis celui des SS. Le bâtiment de la Oranienburger Strasse est le meilleur témoin des transformations historiques majeures que la ville a subies au fil des ans, jusqu’à devenir finalement une victime de l’embourgeoisement en 2012.

Pour préserver cet espace créatif, il fallu se battre et lutter en continue depuis le milieu des années 90. En 1995, la ville a vendu l’immeuble au groupe immobilier Fundus, qui a ensuite donné aux artistes un bail de dix ans, en 1998. Au moment de l’expiration du bail, le groupe Fundus est devenu insolvable et l’immeuble est tombé entre les mains de HSH Nordbank, avide d’expulser les résidents et de vendre la propriété. Les protestations et les pétitions n’ont malheureusement pas aidé à sauvegarder l’immeuble et, le 4 septembre 2012, la dernière vague d’artistes de Tacheles a été mise dehors. La fermeture du Kunsthaus Tacheles, véritable institution berlinoise pour l’art et la culture indépendants, a donné l’impression que la ville n’est plus un carrefour pour la culture et les modes de vie alternatifs.

Même si les derniers habitants du Kunsthaus Tacheles ont dû abandonner leur maison, l’esprit créatif du squat continue de vivre grâce à la galerie d’art 3D Tacheles en ligne. Cette dernière initiative a été conçue pour préserver l’héritage du centre artistique indépendant le plus célèbre de Berlin, pour offrir une plateforme d’expression artistique et tenter de revivre l’âge d’or de Tacheles.